Le brin d'herbe

Blog philosophique et politique

Sacrée matière
Lundi 13 février 2012

Amusant paradoxe et retournement : pendant longtemps on a spontanément placé le sacré dans la forme, par opposition à la matière, la divinité étant l'esprit qui vient s'incarner dans la matière, censée être stupide quand elle est informe.

Or ce qu'on découvre aujourd'hui, avec les moyens de reproductibilité technique, qu'on a d'abord vu au niveau industriel mais qui se décuplent aujourd'hui dans la sphère virtuelle (avec les ordinateurs et internet il est aujourd'hui infiniment plus facile de reproduire un texte ou un morceau de musique qu'un urinoir ou une chaussure), c'est la valeur de la matière. Car c'est elle, du coup, qui devient sacrée, comme l'illustre cette curieuse aura, dont parle Walter Benjamin, qui est la valeur symbolique et imaginaire que nous attachons aux objets « authentiques », aux originaux, par opposition aux copies.

Oui, c'est peut-être ça que nous allons découvrir, avec l'invention d'un univers virtuel : la valeur, la richesse, la magie, la chaleur, l'intelligence, la divinité de l'irremplaçable et fragile matière.

Mots-clés :  matière   sacré   paradoxe   art   virtuel   histoire   
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Les critiques
Vendredi 13 janvier 2012

Il ne faut pas répondre aux critiques.

Il faut les écouter.

Mots-clés :  art   divers   
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Politiquement correct, quand tu nous tues...
Mardi 1er mars 2011

Allez, un petit post d'actualité, pour changer.

On annonce que John Galliano, un couturier talentueux, va être viré de la maison Dior pour avoir prononcé des insultes et provocations antisémites dans un bar.

A voir les vidéos et à en croire les témoignages, il s'agit là d'extravagances d'un homme ivre, de provocations de soirée qui ne correspondent pas à un véritable racisme du personnage.

Cette affaire est symptomatique de notre époque : le politiquement correct qui neutralise et détruit toute créativité, la préoccupation hygiéniste et sécuritaire qui stérilise et tue tout personnage un peu original.

censure

Ceci rappelle d'ailleurs la récente occultation de Céline, qui lui, au moins, était notoirement antisémite, pour de vrai, mais qui n'en était pas moins par ailleurs l'un des plus grands écrivains français. Bref, il est temps de réaffirmer deux principes de base :

Premier principe : distinguer les différentes dimensions d'un homme, se permettre d'en prendre et d'en laisser. On peut aimer et célébrer Céline écrivain tout en méprisant Céline antisémite (et on peut au passage s'étonner qu'on puisse être à la fois si génial et si stupide). Ce principe est bêtement pratique : sans lui on se privera inutilement de beaucoup de choses, de la philosophie de Rousseau (il a abandonné ses enfants) aux aventures de Tintin (Hergé était raciste).

Deuxième principe : il serait temps de réaffirmer la liberté d'expression qui est décidément à l'agonie. Ce n'est pas en empêchant les racistes et les fanatiques de parler qu'on les fera taire.

En censurant ces discours on élève leurs auteurs (comme si nous avions peur de leurs idées !) et on abaisse le public (comme s'il était assez stupide pour se laisser convaincre). Oui, c'est cela au fond : la censure revient, ni plus ni moins, à prendre les gens pour des cons, à considérer qu'ils n'ont pas assez de jugement pour pouvoir entendre n'importe quoi. Détestable et nuisible mépris.

Mots-clés :  liberté d'expression   liberté de pensée   politiquement correct   histoire   art   
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Le fond et la forme
Dimanche 23 janvier 2011

La distinction entre le fond et la forme, en littérature, m'a toujours intéressé et fasciné, mais curieusement il me semblait que la forme (la rime, par exemple...) ne m'intéressait guère, et que le fond m'intéressait, mais qu'il s'agissait là d'idées et non de littérature...

Aujourd'hui je prends conscience de cette belle évidence : en littérature on ne peut pas dissocier le fond de la forme, parce que la « forme » n'est rien d'autre qu'un point de vue sur les choses (sur le « fond »), un angle d'attaque, une manière de voir, une facette de la réalité. Le « style » d'un écrivain, outre parfois quelques fioritures gratuites, c'est un regard, une manière de regarder le monde et de le comprendre.

C'est sans doute ce que voulait dire cette jolie mais énigmatique formule de Victor Hugo que je ne comprends qu'aujourd'hui :

La forme, c'est le fond qui remonte à la surface.
Victor Hugo

Ou, pour être plus précis : la forme, c'est la manière de faire remonter le fond à la surface.

Conclusion : la littérature n'est pas quelque chose de purement décoratif. Et l'intelligence d'une histoire ne réside pas seulement dans la manière dont les événements s'agencent, elle est aussi dans la façon dont les mots se combinent.

victor hugo

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La fiction est plus vraie que la réalité
Lundi 10 janvier 2011

La peinture (ainsi que le dessin) a un avantage important sur la photographie : elle est plus conceptuelle. La photographie retient tout de la réalité, y compris les détails insignifiants ou inintéressants. La peinture, au contraire, s'en tient à l'essentiel, elle est expression de l'idée et non capture indifférenciée du réel.

C'est pourquoi, paradoxalement, la photographie n'est pas nécessairement le moyen le plus approprié pour une œuvre picturale (sans parler du problème d'harmonie qui explique la grande laideur de nombre de montages publicitaires hâtifs). Et c'est pourquoi le dessin est souvent plus approprié pour l'illustration d'un texte que la photographie.

Cet argument devrait pousser les philosophes à préférer le dessin à la photographie, de la même manière que Schopenhauer préfère la poésie à l'histoire, car, selon lui, elle est une expression plus fidèle de la vérité ! C'est un peu le même paradoxe dans chaque cas.

Mots-clés :  art   peinture   photographie   vérité   représentation   réalité   expression   
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André Kertesz
Mercredi 29 septembre 2010

Aujourd'hui je suis allé voir l'exposition André Kertesz au jeu de paume.

[[André

On pourrait dire des tas de choses sur ces images.

[[André

D'ailleurs il y avait là des commentateurs qui ne se gênaient pas pour le faire.

Et leurs discours me sont apparus comme une autre couche d'art, une deuxième pratique esthétique, des mots accompagnant l'œuvre. Ils n'avaient ni raison ni tort, ils tenaient un discours possible (une interprétation possible) à apprécier selon son goût.

Ainsi considérés, ces discours sont moins nocifs.

Il m'arrive d'en faire ; mais pas cette fois.

Mots-clés :  art   critique   photographie   esthétique   
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Le déséquilibre
Mercredi 15 septembre 2010

Grâce à ma grande ignorance de Van Gogh, j'ai pu voir dans un simple mur toute sa folie :

van gogh, enclosed wheat field
Champ de blé clos, Vincent Van Gogh

On retrouve ce fascinant pouvoir du déséquilibre dans d'autres peintures, par exemple chez Klimt :

Le parc, Klimt
Le Parc, Gustav Klimt

Kandinsky aussi a fait quelques toiles où le déséquilibre introduit un mouvement, et même une étonnante sensation de chavirement...

Bref : les artistes exagèrent.

Je suis fasciné par le pouvoir d'évocation que peuvent avoir de simples lignes.

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De Dieu
Mardi 14 septembre 2010

Dieu ne meurt pas.

Ça sonne anti-nietzschéen, mais c'est dit en prenant le mot « Dieu » en un sens différent, absolument non chrétien (quoique les ambiguïtés sur ce mot, comme sur les mots en général, soient indémêlables) : en entendant Dieu au sens des philosophes, au sens des artistes, au sens de Victor Hugo (cf. ce post). C'est-à-dire l'esprit ou, si on veut, le champ du possible.

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Happy end
Samedi 31 juillet 2010

Le refus du happy end est une démagogie inversée.

Aujourd'hui en effet, c'est non seulement le bonheur qui est politiquement incorrect, mais aussi le happy end.

Mais franchement, quel mal y a-t-il à s'accorder ce petit plaisir ? Un curieux raisonnement masochiste, lié à une mauvaise conscience généralisée, nous en empêche pourtant.

Le point de vue sur cette question dépend peut-être aussi de l'interprétation que l'on en fait : certes, si le happy end signifie que le monde est heureux, que la vie elle-même se termine bien, alors il est certainement douteux. Mais on peut aussi le voir comme un simple petit plaisir, qu'on s'accorde en art, justement par contraste avec le monde, et qui signifie un optimisme, une insouciance, bref l'envie de se moquer un peu du mal, qui est d'ailleurs si lourdaud.

happy end

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Symétrie
Mercredi 28 juillet 2010

Le philosophe considère les faits comme des (manifestations de) théories, alors que le romancier considère les théories comme des faits.

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La morale et la guerre
Lundi 26 juillet 2010

Au fond le Bien et le Mal sont des concepts de guerre. pirate

Nous n'en avons pas besoin.

L'action ne requiert que les concepts de Bon et de Mauvais.

Les concepts de Bien et de Mal sont utilisés par celui qui ne se contente pas d'agir, mais qui veut imposer son action aux autres.

Ce qui est merveilleux chez les écrivains, et plus généralement chez les artistes, c'est qu'ils vous foutent la paix. Contrairement aux philosophes ils ne jugent pas. Ils sont descriptifs et relativistes. Ils préfèrent la création à la critique. Faire plutôt que juger. Etendre le possible plutôt que le restreindre.

Certains penseurs ont été séduits par cette amoralité de l'art :

Friedrich Nietzsche
Juge rêvant de devenir peintre

On pourrait objecter à tout ce raisonnement que le Bien et le Mal ne sont pas seulement des concepts de guerre, mais aussi des concepts politiques et par conséquent nécessaires. Mais la politique peut se passer de moralité. Le principe démocratique se distingue du principe moral, et si on le pousse jusqu'au bout, on peut arriver à l'idée que la morale doit rester une affaire privée, comme la religion. De sorte que l'objectif de la loi ne serait pas de déterminer le Bien, de nous pousser aux bons comportements, vertueux, mais simplement à assurer, techniquement pour ainsi dire (mais peut-être avec des moyens qui ne sont pas seulement mécaniques, mais aussi symboliques, psychologiques et affectifs), la vie en commun. Autrement dit, la seule morale dont la loi a besoin est celle de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ».

Plus profondément, la grande difficulté qu'il y a à se passer de la morale, et donc à comprendre Nietzsche (dont l'idée centrale est de dépasser la morale), tient à la subtilité de la distinction entre le méchant et le mauvais, entre la morale et l'esthétique. Car l'esthétique, ça, il n'est pas question d'y renoncer !

Mots-clés :  morale   politique   esthétique   relativisme   tolérance   art   
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Saleté déplacée
Dimanche 25 juillet 2010

Je reviens sur ce clochard qui détestait la nature, et s'énervait contre sa réintroduction en ville (en l'occurrence, un marché de plantes). Il n'aimait pas la verdure, il préférait le goudron et le béton. Pour lui, la nature est sale, le béton est propre.

Point de vue intéressant. En effet, la nature est sale, quand elle est chez l'homme (en ville ou dans une maison). Et pourtant, dans la nature, tout est sale mais rien n'est sale. Dans la nature il n'y a pas de poussière, par exemple (du moins pas telle qu'on la trouve dans les maisons).

Mais qu'est-ce que la saleté ?

saleté

Si on qualifie de sale tout ce qui n'est pas à sa place (de la terre est sale dans une chambre, mais pas dans un champ), alors notre clochard a raison : la nature, à la ville, est saleté.

C'est une conception intéressante de la saleté. Selon elle, certaines œuvres d'art, les ready-made notamment, sont des saletés, par définition, puisque le seul acte de l'artiste a consisté à déplacé une chose pour l'extraire de son lieu naturel.

Mots-clés :  art   nature   saleté   
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La laideur artistique
Dimanche 18 juillet 2010

On entend souvent cette question :

« Comment écrire après Auschwitz ? »

Voici le raisonnement :

Quand l'homme se massacre méthodiquement, la recherche de la beauté est déplacée. Si la civilisation occidentale mène au chaos des guerres mondiales, elle doit être radicalement remise en question jusque dans son art : ainsi naquit Dada.

Et aujourd'hui encore, nombre d'œuvres sans beauté s'expliquent par ce raisonnement. Puisque la beauté est politiquement incorrecte, on fait souffrir le public, ça donne bonne conscience. Une bonne partie de l'art contemporain est la forme actuelle qu'a prise la très classique, quoique toujours élitiste, autoflagellation : pratique magique, symbolique, consistant à s'infliger une souffrance pour expier un acte qu'on se reproche et se donner ainsi bonne conscience.

Papperlapapp
Papperlapapp, de Christoph Marthaler et Anna Viebrock, 2010

Il y a une objection importante à tout ce cheminement de pensée, qui pourra être utile aux amants de la beauté frustrés par notre époque. La question était : « Comment écrire après Auschwitz ? » Mais ! Comme s'il avait fallu attendre Auschwitz pour découvrir que l'homme est ignoble ! On le savait déjà, et depuis une éternité. Cela n'a jamais empêché de rechercher la beauté, au contraire : elle était une sorte de remède. La seule nouveauté d'Auschwitz est technologique. Elle est dans le caractère massif et méthodique de l'ignominie. L'âme de l'homme, elle, n'a pas bougé d'un iota. L'Allemand du XXe siècle n'est pas plus mauvais que le Français du XXIe et en ce sens nous sommes tous nazis, nous le sommes depuis toujours.

A cette première analyse on peut ajouter cette autre : que change, au juste, une œuvre douloureuse à l'abjection humaine ? Elle ne fait qu'ajouter la laideur esthétique à la bassesse morale, l'horrible à l'ignoble. C'est là une manière de se donner bonne conscience à peu de frais. C'est aussi le signe d'une trouillarde incapacité à assumer le bonheur. La moraline chrétienne est toujours à l'œuvre, et le bonheur est politiquement incorrect.

Fort de ce raisonnement, on pourrait croire avoir balayé toutes les raisons qui sous-tendent la vacuité de l'art contemporain.

Mais malheureusement il y en a bien d'autres :

Bref, la mauvaise conscience est peut-être le principal prétexte de la laideur artistique, mais elle n'en est pas la seule cause. Cette laideur a donc encore de beaux jours devant elle.

Mots-clés :  laid   art   histoire   
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Citation amendée
Vendredi 9 juillet 2010

Jean Cocteau a dit :

« Ce que le public te reproche,
cultive-le, c'est toi. »

A condition, bien sûr, que cette partie de toi en vaille la peine.

Mots-clés :  art   ego   citation   aphorisme   
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Exigeant bonheur
Mardi 25 mai 2010

(Suite du post précédent.)

...Ce que je veux dire, c'est que finalement, dans l'art comme dans la vie, le malheur (la souffrance, la tristesse) est peut-être une solution de facilité.

Il est plus facile d'émouvoir et de plaire par la représentation du malheur que par la représentation du bonheur. Les artistes inventent davantage de tourments psychologiques scabreux que de plaisirs inédits (je pense surtout aux conteurs — romanciers et cinéastes).

Buste de Laocoon

De même il est plus facile d'être malheureux que d'être heureux, de se plaindre que de se satisfaire. Le bonheur demande plus d'imagination que le malheur. Notre esprit nous torture plus volontiers qu'il ne nous réjouit

D'autre part, et surtout, l'homme malheureux est dans une position morale plus facile que l'homme heureux. Car il est à plaindre, le monde est comme endetté envers lui, alors que pour l'homme heureux c'est l'inverse, c'est lui qui est endetté envers le monde... Je crois que Dieu (c'est-à-dire la nature) a décidément un statut économique particulier (cf. ce post sur la valeur de la nature), et qu'il faut parfois savoir refuser de payer !

Mots-clés :  bonheur   malheur   art   esthétique   imagination   dette   
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Joie et mélancolie
Vendredi 15 janvier 2010

Mano Solo est mort il y a quelques jours. En réécoutant ses chansons, j'ai ressenti une impression que m'avait déjà donné Jacques Brel. Il semble qu'au fond de la tristesse brille une joie puissante, comme une pépite au fond d'un ruisseau boueux.

Par exemple, on peut sentir ça dans Jeff de Brel ou dans Je suis venu vous voir de Mano Solo.

Une explication possible serait qu'il y a parfois dans la mélancolie profonde une forme de colère qui peut se transformer en joie. Et aussi, que cette joie a la force et la solidité du fond, de celui qui a touché le fond de la piscine et qui ne peut aller plus bas, et au contraire s'appuie dessus pour remonter...

Cela rappelle un mot énigmatique de Nietzsche :

La musique du meilleur avenir. — Le premier musicien serait pour moi celui qui ne connaîtrait que la tristesse du plus profond bonheur, et qui ignorerait toute autre tristesse. Il n'y a pas eu jusqu'à présent de pareil musicien.
Nietzsche, Le Gai savoir, § 183

Aussi et surtout, cette impression musicale nous permet peut-être d'apercevoir cette mystérieuse « joie vigoureuse » (gerustete freude) évoquée par Heidegger et que l'on découvre, selon lui, au fond de l'angoisse, quand au lieu de fuir l'idée de la mort et de l'abîme nous y faisons résolument face...

Mots-clés :  joie   tristesse   art   musique   
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Aurore des idoles
Lundi 1er juin 2009

En lisant Rodin je suis tombé sur ce bel éloge de l'admiration :

Aimez dévotement les maîtres qui vous précédèrent.

Inclinez-vous devant Phidias et devant Michel-Ange. Admirez la divine sérénité de l’un, la farouche angoisse de l’autre. L’admiration est un vin généreux pour les nobles esprits.

Gardez-vous cependant d’imiter vos aînés. Respectueux de la tradition, sachez discerner ce qu’elle renferme d’éternellement fécond : l’amour de la Nature et la sincérité. Ce sont les deux fortes passions des génies. Tous ont adoré la Nature et jamais ils n’ont menti.

Lire la suite...
Auguste Rodin, Testament

Ces conseils sont particulièrement intéressants à notre époque individualiste et libertaire. Mais précisément l'admiration et même la soumission à ce qui nous est supérieur ne s'oppose pas à la liberté, comme l'a bien dit cet aristocrate allemand :

La liberté ne consiste pas à ne vouloir rien reconnaître au-dessus de nous, mais bien à respecter ce qui est au-dessus de nous. Car le respect nous élève à la hauteur de l'objet de notre respect. Par notre hommage nous montrons que la dignité réside aussi en nous et que nous sommes dignes de marcher au même rang. Dans mes voyages, j'ai souvent rencontré des négociants du nord de l'Allemagne qui croyaient se faire mes égaux en se plaçant à table près de moi avec des façons grossières. Ils ne devenaient pas ainsi mes égaux, mais ils le seraient devenus, s'ils avaient su m'apprécier et bien agir avec moi.
Goethe, Conversations avec Eckermann, 18 janvier 1872
Mots-clés :  admiration   art   artiste   hauteur   
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L'église et le musée
Mardi 5 mai 2009

Pendant les vacances j'ai un peu traîné dans les musées. Il y a des grands couloirs blancs et une ambiance propre, éthérée. Les gens sont silencieux, respectueux. Bref, on se croirait dans une église.

D'ailleurs les artistes, les « génies » sont nos dieux, ou en tout cas nos demi-dieux, et les icônes qu'ils créent font signe vers le dernier au-delà, la dernière transcendance. Contre Benjamin, il faut reconnaître que l'aura n'a pas disparu. Le sacré persiste dans nos sociétés sécularisées ; et il s'est retiré dans les musées.

Les musées sont donc les nouvelles églises. Et d'ailleurs, réciproquement les églises ressemblent de plus en plus à des musées, on y voit désormais plus de touristes que de fidèles, et les icônes des églises pointent plutôt vers le dieu des artistes que vers le Vieux Barbu.

Avec tout ça, on comprend le désir situationniste de quitter le musée en vitesse !

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