Avec les portes sans poignées, il y a un autre dispositif quotidien qui révèle la barbarie de notre civilisation : les réveils-matin.
En effet, il suffit de méditer cinq minutes sur ce dispositif sophistiqué (un bouton facilement accessible pour l'éteindre provisoirement, et la machine se remet à sonner cinq minutes plus tard) pour mesurer la torture quotidienne que représente le réveil pour une part non négligeable de la population.
Mais, une fois n'est pas coutume, je vais être honnête : grâce à la technologie moderne on peut aussi se réveiller avec de la musique. Et ça, il faut être honnête, c'est un progrès formidable.
Je dirais même que ceci compense cela même si, j'en suis sûr, de mauvaises langues (ou des langues radicales) diront que cette petite contrepartie n'est que la vaseline produite par le Capital pour mieux nous... aliéner.
« C'est quand on n'a plus rien à dire que la conversation commence à devenir intéressante »
a dit un homme (bourré).
Finalement on a
du café sans café (café décaféiné)
du sucre sans sucre (sucre allégé)
du fromage sans fromage (fromage sans matière grasse)
du sexe sans sexe (sexe virtuel sur internet)
de l'action sans action (jeux vidéos)
des amis sans amis (relations à distance).
De chaque chose on retire la part obscure pour ne garder, grâce au progrès technologique, que ce qui nous intéresse.
Cette part obscure, non désirée, extrinsèque, inconnue, étrange et rebutante, que l'on essaie de cacher, d'ignorer ou de supprimer, c'est le réel.
Ce qui est à l'œuvre ici est une tendance naturelle : la tendance à tout vouloir contrôler. Sécurité maximale.
Mais ce qui apparaît, c'est qu'à vouloir supprimer l'imprévu, on s'emmerde ferme.
Pour vivre il faut se mettre un peu en danger, il faut laisser une place à l'extérieur, à l'étranger, au Grand Autre. Certes, il est plus confortable et sécurisant de ne pas le faire. Mais le confort, c'est la mort.
On n'est pas ce qu'on mange, on est ce qu'on fait.
La preuve, c'est la différence entre la sauterelle et la vache, qui mangent pourtant la même chose.
A dire aux femmes qui pensent que leur santé et leur beauté dépendent exclusivement de ce qu'elles mangent, et non de leur activité et de leur bonheur.
(D'ailleurs ce qu'on mange dépend de notre activité et de notre bonheur.)
A Paris, la journée, les gens sont pressés, austères, en costard, guindés, chaussés de lunettes, rigides, froids.
Le soir, une tout autre population se déverse dans les rues : ondulante, gesticulante, extrêmement fun et branchée et cool. Les gens ont les vêtements et les cheveux multicolores, ils sont exubérants, c'est génial.
Mais ce qui est dingue, c'est que ce sont les mêmes gens.
Le forfait qu'il s'agisse d'un forfait téléphonique ou d'une carte de transports en commun est une atteinte à la vérité, et par ricochet à la justice et à l'écologie.
Le mensonge consiste à payer un montant fixe quelle que soit la quantité consommée.
Il faudrait donc remplacer tous ces forfaits par un système unique, basé sur un tarif continûment dégressif en fonction de la consommation.
Encore une pensée sur la cravate.
La cravate se distingue par son ambivalence :
Finalement ce dispositif qui vous encercle le cou d'un nœud coulant n'est pas si rassurant pour son porteur...
Il y a un dispositif qui me rend dingue depuis longtemps, et dont on ne parle pas assez je trouve.
C'est pourtant quelque chose de tout simple : je veux parler des portes qui n'ont pas de poignée extérieure. Pas besoin de chercher très loin, presque toutes les portes des appartements, en France, sont comme ça. J'aimerais bien qu'on m'explique l'intérêt de cette invention ignoble.
Ignoble, parce que cela signifie que notre porte est, par défaut, fermée.
A cela s'ajoute le risque multiquotidien d'enfermer ses clés à l'intérieur. Ce risque n'existe pas pour les portes normales, avec poignée et clé, car il faut la clé pour les verrouiller ! Il est donc impossible d'enfermer sa clé.
Le pire de tout, c'est que du coup on stresse chaque jour pour ne pas enfermer sa clé à l'intérieur, ce qui est finalement un tracas bien plus grand que d'enfermer sa clé une fois de temps en temps.
Celui qui a inventé ce dispositif devrait être traîné en justice pour la quantité astronomique de tracas et d'énergie psychique gaspillée.
D'ailleurs il y a des tas de dispositifs ignobles dans le genre, surtout à notre époque, par exemple aujourd'hui on regorge d'imagination pour empêcher les clodos de dormir sur les bancs, les marches, les encoignures, etc. On en verra un petit aperçu sur ce site.
Bref... Je rêve d'un monde où les portes auraient des poignées à l'extérieur...
En y réfléchissant bien je trouve quand même un avantage à ces portes, mais un seul, que j'indiquerai par honnêteté intellectuelle : c'est qu'elles rendent possibles des films drôles comme A gauche en sortant de l'ascenseur...
Encore une petite méditation vestimentaire : l'autre jour, je cherchais une cravate dans un grand magasin chic. Pourquoi chic ? Mais pour avoir la classe, mon cher. Donc je m'apprêtais à payer bien trop cher pour un bout de tissu, en tout cas si on rapport le prix à l'utilité (en l'occurrence, aucune, sinon symbolique).
Une petite introspection me révéla le fait suivant, qui s'applique à bon nombre d'entre nous je crois : si on achète une belle cravate, et de beaux vêtements en général, c'est avant tout pour que les gens ne nous fassent pas chier. Si tu as une cravate un peu vieille ou sale ou trop différente, tu peux être sûr qu'on va te servir une remarque à la con. Cette remarque ne sera au fond pas très gênante ni douloureuse. Mais c'est bien pour l'éviter qu'on traîne dans les rayons et qu'on dépense parfois des petites fortunes. Pour avoir la paix, bon sang, la paix.
Je rêve parfois d'un monde où les gens ne feraient pas chier... mais c'est une utopie.
Les petites choses poétiques de la vie sont comme de jolies feuilles mortes...
...Mais je n'aime pas trop les râteaux ! Il y a des pensées qui une fois écrites sont comme des papillons cloués sur un mur.