Le brin d'herbe

Blog philosophique et politique

Mémoire et douleur
Dimanche 30 octobre 2011

La mémoire est une invention de la douleur.

C'est une formule philosophique que j'ai trouvée à l'instant. Si j'étais un grand philosophe j'essaierai de bien l'amener et de la prendre au sérieux, mais comme je ne suis que l'auteur de ce blog je la livre comme ça, en toute simplicité.

C'est une citation philosophique typique : ça pète, mais c'est pas vraiment vrai.

Ne le prenons pas mal. Soyons un peu ouverts. Si ça interroge, si ça pousse à réfléchir un peu, c'est déjà pas mal. Humble philosophie de papillote.

papillote

Mots-clés :  aphorisme   philosophie   mémoire   souffrance   
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Un gai savoir
Lundi 13 septembre 2010

Nos humeurs sont sans raison.

On le vérifie en mille occasions. Ainsi, quand soudain, dans la rue, monte en nous une joie inextinguible et irrépressible, nous éprouvons cette absurdité avec bonheur, et notre joie redouble de son irrationalité même, sa gratuité augmente sa beauté.

Mais l'inverse est également vrai, et c'est aussi sans raison que l'on souffre, même si on cherche alors de beaux et nobles prétextes à notre chagrin.

Et dans ce cas encore, prendre conscience de cet état de fait nous rendra plus heureux, cela atténuera notre tristesse. Nietzsche avait remarqué que le sens est un remède (le grand remède) à la souffrance. Mais l'absurde en est un aussi, et plus dionysiaque que l'autre.

Mots-clés :  joie   souffrance   sentiments   absurde   sens   tristesse   
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Chagrin métaphysique
Mercredi 18 août 2010

L’homme souffre sans raison. Son spleen est biologique, hormonal, physiologique, cérébral, chimique. Il est cocasse de voir l’homme, trois fois détrôné, faire preuve d’un ultime orgueil et refuser d’admettre cette si simple vérité pour chercher à justifier sa mélancolie chronique par de grandes raisons métaphysiques, sonnantes et trébuchantes, comme un enfant qui, ayant oublié pourquoi il pleure, se cherche de grands et naïfs prétextes pour ne pas avoir l’air ridicule et éventuellement décrocher un petit câlin.

enfant qui pleure

Mots-clés :  malheur   souffrance   sens   
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Souffrir pour rien
Mercredi 26 mai 2010

Il n'est jamais trop tard pour lire Cioran, philosophe roumain et pessimiste. La phrase suivante, tirée du Précis de décomposition, m'a frappé par sa pertinence et son actualité :

S'étant forgé un système d'erreur, il [l'homme] souffre pour des motifs dont la nullité effraie l'esprit et se donne à des valeurs dont le ridicule crève les yeux.
Cioran, Précis de décomposition

Ça claque.

Et surtout c'est vrai. En particulier pour cette capacité que nous avons à souffrir pour d'absurdes vétilles.

Mots-clés :  souffrance   absurde   
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Sanglot chanté
Lundi 24 mai 2010

Il existe un genre de musique indienne (par exemple celle de Pandit Jasraj) qui consiste en chants langoureux, mélancoliques, presque des gémissements : on croirait entendre un sanglot chanté.

Cette musique a une indéniable beauté. Mais tout aussi indéniablement, elle évoque et représente la souffrance. La souffrance serait donc belle ? ?

Mais oui, et on le sait depuis longtemps, surtout nous autres Occidentaux, adeptes du spleen et de la mélancolie.

Reste à savoir que penser de cette esthétique christo-maso...

Mots-clés :  musique   souffrance   beauté   esthétique   
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Donner son ticket de métro
Mercredi 25 mars 2009

L'autre jour, à Lyon, en bouquinant à la Fnac, je suis tombé sur un petit livre d'éthique. J'ai oublié le nom de l'auteur, mais je me souviens de la conclusion : en gros, l'idée est que la justice consiste à réaliser l'équivalence de toutes les souffrances.

On reconnaît là une certaine logique, chrétienne et kantienne, poussée jusqu'à son terme.

Et en réalité si je me suis souvenu de cette idée, c'est à titre de repoussoir : elle révèle, à mon avis, la profonde erreur de cette morale. Voici deux exemples pour expliquer pourquoi.

Toujours à Lyon, en sortant du métro j'ai déposé mon ticket sur la borne : je n'allais pas reprendre le métro dans l'heure, mon ticket, au lieu d'être gaspillé, pourrait ainsi servir à quelqu'un dans le besoin. J'ai appris qu'aux sorties de métro de la Croix-Rousse, il y avait ainsi des piles de tickets aux entrées ; et qu'ailleurs, au contraire, les gens refusaient de vous donner un ticket si vous leur demandez. Comment un tel refus est-il possible ? Cela ne lui coûte rien, au type. Mais il se dit probablement : « J'en ai bavé pour payer ce ticket, l'autre ne l'aura pas pour rien. Ce serait injuste. Il n'y aurait pas équivalence des souffrances. »

Puis j'ai pris le train. On était assez serrés, mais à côté il y avait un type qui par chance avait deux places pour lui, et il s'affalait insolemment, étalant sa paresse sur deux sièges. Encore une fois, du point de vue kantien il aurait dû se tenir sur un seul siège, par respect pour nous en quelque sorte. Souffrir autant que nous.

Je ne sais pas s'il est utile, après ces exemples, d'expliquer encore ce que l'éthique de l'équivalence des souffrances a de ridicule. Mais si, c'est nécessaire. Car on est toujours choqué, blessé par ceux qui ne souffrent pas autant que nous : par exemple l'élève qui obtient insolemment (encore !) 14/20 sans avoir fait le moindre effort. Eh bien, disons-le haut et fort : il faut se réjouir pour tous ces passagers clandestins du bonheur, pour ces cadeaux qui tombent du ciel. Finalement, il y a un certain esprit de justice qui se distingue difficilement de la jalousie pure et simple.

Mots-clés :  éthique   justice   don   souffrance   
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Les justifications de la souffrance
Samedi 24 janvier 2009

La question de la perfection du monde est une question difficile.
En plaçant un Dieu bienfaisant à l'origine du monde, les religions veulent nous faire croire que le monde est parfait. C'est une vision kitsch, au sens de Kundera : négation de la merde. Et pourtant c'est bien cela que doit faire toute religion et même toute philosophie, tout discours qui n'invite pas au suicide : justifier le monde. Cela veut dire : justifier la souffrance. Aussi retrouve-t-on dans toute philosophie cette justification de la souffrance :

Il y a tout de même plus de beauté dans cette dernière version que dans les autres, je trouve, parce qu'elle est plus vraie. Tout comme la philosophie de Spinoza et de Victor Hugo, ce panthéisme qui embrasse la totalité de la nature du regard.

Pour Spinoza par exemple, la souffrance d'une créature est toujours le bonheur d'une autre. Donc du point de vue du tout il n'y a pas de souffrance, il n'y a pas de diminution de puissance, un peu comme en physique, un système fermé ne peut perdre d'énergie.

Et Victor Hugo : « Le beau n'a qu'un type ; le laid en a mille. Le beau s'accorde avec l'homme ; le laid s'accorde avec la création entière. » Les monstres grotesques et effrayants qui hantent les cathédrales moyenâgeuses expriment cette vision formidable de la nature.

Il faut souligner la différence entre cette vision et les autres, entre le panthéisme et les divers théismes. Pour le christianisme, le mal existe, mais il sera un jour puni, supprimé, résorbé, compensé ; alors que pour les panthéistes, c'est-à-dire les athées (« Dieu, c'est-à-dire la Nature », écrit Spinoza) le laid et le mal sont compensés immédiatement, donc ils n'existent pas vraiment, ils apparaissent seulement de notre petit point de vue, ils sont le résultat d'une perspective de grenouille sur le monde.

Finalement si on ajoute la schizophrénie des panthéistes (s'identifier à Dieu, ou du moins adopter son point de vue) et le taoïsme (pas de haut sans bas) on en vient à aimer la souffrance quand elle est là, et à sortir sans manteau en hiver. Et à apprécier l'ombre, y voyant le soleil.

Le monde est donc parfait ; mais non pas kitsch. C'est-à-dire qu'il est nécessaire.

Mots-clés :  souffrance   perfection   
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Ce qu'il reste du christianisme
Dimanche 18 janvier 2009

Que reste-t-il du christianisme ? Selon le philosophe hédoniste et athée Michel Onfray, beaucoup de choses. En particulier cette valorisation morbide de la souffrance, conçue comme une expiation. L'école serait l'un des lieux où apparaît cette conception de la souffrance, avec l'idée implicite que l'école doit être pénible. Alors que le savoir est et devrait être une chose si légère, si gaie, si folâtre !

Ce que je remarque quant à moi, c'est que cette conception de la souffrance alimente peut-être aussi l'hostilité au libéralisme. Car le libéralisme est l'idée d'un « jeu à somme positive », pour reprendre l'expression des sociologues, c'est-à-dire l'idée d'un bénéfice pur par l'échange. D'ailleurs l'idée que les vices privés (les intérêts égoïstes) puissent faire les vertus publiques est déjà, à elle seule, profondément anti-chrétienne. « Dieu ne permettrait pas une telle magie ! Tout se paie, il ne fait pas de cadeaux ! »

Eh si. La Nature, du haut de son amoralité, peut se permettre cela. La tâche actuelle est de sortir de la vieille morale et de sa mauvaise conscience poisseuse pour nous rendre enfin capables de recevoir ces cadeaux.

Mots-clés :  religion   christianisme   souffrance   
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