Le brin d'herbe

Blog philosophique et politique

Le pays des privilèges
Lundi 11 mai 2009

Une fois n'est pas coutume, je me permets de pousser un petit coup de gueule sur un événement récent. Je suis d'ailleurs d'autant moins susceptible de partialité que je suis favorisé par le privilège que je dénonce.

Il y a quelques semaines, le gouvernement a annoncé que les enseignants pourraient profiter d'un prêt de 30 000 € à taux zéro, remboursable sur dix ans, pour l'achat d'une première résidence liée à une mutation professionnelle.

Alors franchement, je m'interroge. OK, c'est la crise. Il faut relancer l'économie, etc., ce qui est d'ailleurs prétexte à mille mesures aussi démagogiques qu'inefficaces. Par exemple jeter des miettes aux plus pauvres comme on donne un peu de grain aux oiseaux.

Mais cela devient carrément scandaleux quand la mesure ne touche pas les plus pauvres, mais une classe déjà privilégiée. Les professeurs, comme les fonctionnaires en général, jouissent déjà de mille privilèges. Ma question est simple : au nom de quoi fait-on ce cadeau aux professeurs plutôt qu'à toute autre catégorie ?

S'agit-il de relancer le logement (ce qui est déjà, en soi, une mesure condamnable, les prix élevés de l'immobilier étant un facteur d'accroissement des inégalités et par conséquent d'amollissement de l'économie) ? Dans ce cas ce n'est pas seulement aux professeurs qu'il fallait faire ce cadeau. Les professeurs sont parmi les mieux placés pour obtenir un prêt de la part des banques, en raison de la stabilité inégalée de leur emploi. Sont-ils vraiment ceux qui avaient le plus besoin de ce coup de pouce ?

Encore une fois, je fais partie de ceux qui pourront profiter de cette mesure. C'est uniquement une injustice criante qui suscite ma réaction. Il faut vraiment qu'il y ait en France la passion des privilèges pour que l'on puisse laisser passer une chose pareille sans même réagir. Mais cette tradition est si bien ancrée que je n'aurais pas assez de place ici pour faire la liste de tous les privilèges inacceptables que compte la société française contemporaine...

Hypothèse encore plus méchante : on n'a pas entendu de réactions car l'opposition, de gauche, est intimement liée aux enseignants et ne veut pas les fâcher. Ce ne serait hélas ni la première ni la dernière de ses infamies et de ses trahisons...

Mots-clés :  politique   privilèges   injustice   France   actualités   
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Nécessaire injustice
Dimanche 15 février 2009

Je n'ai pas une très grande expérience de la vie, mais j'ai bossé dans des restaurants, comme serveur. Et dans ce monde, comme ailleurs, au plus on progresse dans la hiérarchie, au mieux on est payé et au moins on en fait. Au début on est bussboy (j'étais aux Etats-Unis) : on assiste un serveur en servant les boissons, et en faisant mille petites choses insignifiantes et ennuyeuses mais indispensables.

Puis on devient serveur. Là, on est responsable de ses tables, de la commande, etc. On en fait moins, on est mieux payé. Mais on a plus de « responsabilités » (ce fameux concept, qui m'a d'abord intrigué, et qui maintenant me fait rigoler, par lequel on justifie cet état de choses).

Puis on devient manager. Là, on ne fait quasiment plus rien. On briefe les serveurs, on accueille les clients, on surveille le tout. On passe son temps à papillonner, discutant de ci de là avec les clients. On n'intervient qu'en cas de problème. Et c'est là qu'on est le mieux payé.

Cela semble injuste – et peut-être l'est-ce vraiment. Mais ce que j'ai fini par comprendre, c'est pourquoi il doit en aller ainsi.

Le truc, c'est que pour être manager il faut être capable d'être serveur. Tout manager peut être serveur. Par conséquent, ce poste doit nécessairement être mieux payé, sinon personne ne le prendrait. De manière générale : les postes occupés par ceux qui pourraient occuper d'autres postes doivent nécessairement être mieux rémunérés que ces autres postes.

Ce n'est pas une nécessité morale, c'est une nécessité logique. Je ne veux surtout pas dire que ce système est juste. Au contraire, il me semble profondément injuste. Mais il est naturel. Ce n'est pas demain la veille que cet état de fait changera.

On ne prête qu'aux riches (et ceci vaut pour l'argent aussi bien que pour le reste), on leur donne même avec joie, et les types qui creusent tout le jour dans les entrailles du monde crèveront sans un sou.

Mots-clés :  injustice   hiérarchie   justice   responsabilités   
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