Le brin d'herbe

Blog philosophique et politique

Aurore des idoles
Lundi 1er juin 2009

En lisant Rodin je suis tombé sur ce bel éloge de l'admiration :

Aimez dévotement les maîtres qui vous précédèrent.

Inclinez-vous devant Phidias et devant Michel-Ange. Admirez la divine sérénité de l’un, la farouche angoisse de l’autre. L’admiration est un vin généreux pour les nobles esprits.

Gardez-vous cependant d’imiter vos aînés. Respectueux de la tradition, sachez discerner ce qu’elle renferme d’éternellement fécond : l’amour de la Nature et la sincérité. Ce sont les deux fortes passions des génies. Tous ont adoré la Nature et jamais ils n’ont menti.

Lire la suite...
Auguste Rodin, Testament

Ces conseils sont particulièrement intéressants à notre époque individualiste et libertaire. Mais précisément l'admiration et même la soumission à ce qui nous est supérieur ne s'oppose pas à la liberté, comme l'a bien dit cet aristocrate allemand :

La liberté ne consiste pas à ne vouloir rien reconnaître au-dessus de nous, mais bien à respecter ce qui est au-dessus de nous. Car le respect nous élève à la hauteur de l'objet de notre respect. Par notre hommage nous montrons que la dignité réside aussi en nous et que nous sommes dignes de marcher au même rang. Dans mes voyages, j'ai souvent rencontré des négociants du nord de l'Allemagne qui croyaient se faire mes égaux en se plaçant à table près de moi avec des façons grossières. Ils ne devenaient pas ainsi mes égaux, mais ils le seraient devenus, s'ils avaient su m'apprécier et bien agir avec moi.
Goethe, Conversations avec Eckermann, 18 janvier 1872
Mots-clés :  admiration   art   artiste   hauteur   
Lien permanent
Afficher les commentaires (1 commentaire)
Ecrire un commentaire
Les dieux et les anges
Mardi 14 avril 2009

Ah, la vie est bien dure ! Et on ne sait si on doit pleurer comme Héraclite ou rire comme Démocrite (et Montaigne) !

Démocrite et Héraclite ont été deux philosophes, desquels le premier trouvant vaine et ridicule l’humaine condition, ne sortait en public qu’avec un visage moqueur et riant ; Héraclite, ayant pitié et compassion de cette même condition nôtre, en portait le visage continuellement triste, et les yeux chargés de larmes. […] J’aime mieux la première humeur, non parce qu’il est plus plaisant de rire que de pleurer : mais par ce qu’elle est plus dédaigneuse, et qu’elle nous condamne plus que l’autre : et il me semble que nous ne pouvons jamais être autant méprisés que nous le méritons. La plainte et la commisération sont mêlées à quelque estimation de la chose qu’on plaint : les choses dont on se moque, on les estime sans prix. Je ne pense point qu’il y ait tant de malheur en nous que de vanité, ni tant de malice que de sottise : nous ne sommes pas si pleins de mal que d’inanité : nous ne sommes pas si misérables que vils.
Montaigne, Essais, I, 50

Mais heureusement, il y a les dieux et les anges. Les dieux, c'est-à-dire les idées qui nous guident comme des étoiles. Et les anges, c'est-à-dire ces doux regards que l'on croise, au détour d'un rêve ou d'un couloir. Après ça on peut replonger dans la tempête, on ne craint plus les vagues ni les bourrasques ! Le tout est de tenir la barre, et de ne jamais perdre de vue l'étoile !

J'aime imaginer le calme serein qui règne au-dessus des tempêtes : le plancher des nuages qui se déchirent ; le grand vide ; et puis les étoiles, loin au-dessus, qui scintillent, immobiles.

Mots-clés :  métaphore   hauteur   
Lien permanent
Ecrire un commentaire
De la supériorité de l'homme blasé
Mardi 17 mars 2009

Quand une chose nous ennuie on peut se sentir supérieur à celui qui aime cette chose. On se sent « au-dessus de ça ».

Et il faut reconnaître que les artistes sont comme des gosses. Ils s'intéressent à un rien. Et c'est précisément pour ça qu'ils sont si bons. Un peintre, un photographe ou un cinéaste génial a dû s'émerveiller devant bien des choses qui nous arracheraient à peine un haussement d'épaules.

La vérité serait peut-être donc ceci : l'homme qui s'ennuie de tout est supérieur à ceux qui trouvent encore de la valeur aux choses. Car il vise plus haut qu'eux. Et il trône du haut de son ennui, assis dans un coin de sa chambre obscure, dominant tous les artistes et les passionnés qui grouillent, en bas, dans la rue, occupés à leurs petites affaires. Sa hauteur est celle du mépris et de l'indifférence.

Et personne ne reconnaît ce fait fondamental, et tous continuent à aduler les artistes et les créateurs en tous genres... Une fois de plus le préjugé social en faveur de la vie et de l'activité répand ses éloges mensongers mais utiles...

Il y a pourtant deux objections sérieuses à cette vision des choses.

Premièrement, il se pourrait que l'ennui ne soit pas une marque de supériorité, mais d'infériorité. Car il résulte de l'incapacité à percevoir l'intérêt, la beauté ou la richesse de la chose (une personne, une œuvre d'art, une situation).

Deuxièmement, même si on admet que l'ennui est la marque d'un désir supérieur, il n'en reste pas moins que le monde appartient aux humbles, à ceux qui l'acceptent tel qu'il est. Il y a peut-être une opposition fondamentale entre la valeur et l'existence. Pour exister, pour vivre, il faut admettre le monde tel qu'il est, il faut renoncer aux idéaux. L'idéaliste qui s'ennuie est comme l'homme qui reste célibataire parce qu'il ne veut que la femme idéale.

Mots-clés :  ennui   hauteur   curiosité   
Lien permanent
Ecrire un commentaire
Mon cœur mis à nu
Jeudi 29 janvier 2009
La musique, c'est dingue.
Il suffit d'avoir une belle mélodie dans la tête pour supporter, que dis-je, survoler, les maux du monde, les petites difficultés et mesquineries de la vie.
Alors sans pudeur (car dire ce qu'on aime c'est se mettre à nu), voici la musique qui a inspiré cette petite pensée :


C'est la Sonate no. 4 pour violon et piano de Bach, interprétée par Glenn Gould et Yehudi Menuhin.
Mots-clés :  beauté   hauteur   
Lien permanent
Ecrire un commentaire
Etre à la hauteur de la beauté
Lundi 19 janvier 2009

De nombreuses personnes refusent de croire à l'utopie communiste, alors même qu'elle se réalise dans certains domaines (communisme électronique notamment). Et il en va de même dans tous les domaines, de la présentation d'un concours aux relations amoureuses en passant par le bateau-stop : la première cause d'échec, c'est l'auto-disqualification.

C'est parce que nous croyons que les choses sont impossibles qu'elles le sont effectivement. C'est le manque d'imagination qui appauvrit le monde. Tout ce qui existe a d'abord été rêvé par quelqu'un.

Finalement ce refus de voir la beauté m'évoque une image : c'est comme un type à qui on dit qu'il y a un superbe cerisier couvert de cerises de l'autre côté de la colline, et qui refuserait de nous croire et d'aller vérifier. Eh bien, au diable, n'en mange donc pas, et reste dans le petit monde que ton imagination produit.

Il faut être digne du monde, il faut être à la hauteur de la beauté ; c'est-à-dire la percevoir. Celui qui en est incapable ne la mérite pas. Notre plaisir dépend de nos capacités de jouissance. Si nous sommes malheureux c'est que notre cœur est trop petit pour la beauté infinie du monde, qui nous dépasse et qui plane, sereine, au-dessus de nos têtes.

Mots-clés :  optimisme   imagination   foi   beauté   éthique   hauteur   
Lien permanent
Ecrire un commentaire

Retour en haut de page

Contact       Fil RSS

Le Brin d'Herbe - Blog philosophique et politique