Aujourd'hui je n'ai pas le moral, tout m'énerve, j'ai envie d'étrangler quelqu'un, mais qui ?
Et puis ce qui me fait chier c'est qu'il n'y a pas de méchants véritables, on a beau chercher, tous les hommes, au fond, sont bons, sans exception, du coup il n'y a personne sur qui on puisse vraiment taper, tranquillement.
C'est ça qui rend la vie si difficile et si compliquée, ça oblige de s'en prendre à soi-même quand ça ne va pas, je comprends que les hommes aient refusé la difficulté et se soient plutôt créé des boucs émissaires, égorger autrui est moins douloureux que se remettre soi-même un petit peu en question.
J'aime assez cette pub anti tabac. D'abord parce qu'elle est drôle. Ensuite, aussi, peut-être, parce qu'elle représente le mépris du mal, qui me semble être la vraie attitude à adopter envers lui.
Pub anti tabac : Soyez gentils avec les fumeurs.
Ils vivront moins longtemps que vous.
Encore faudrait-il que fumer soit vraiment un mal. Pour ma part, je ne pense pas. C'est simplement une activité nuisible parmi d'autres, mais qui nuit surtout à celui qui l'accomplit (pourvu qu'il soit respectueux). Par conséquent le tabac devrait simplement être taxé à hauteur du coût de la nuisance qu'il cause. Une fois cela fait, que l'on foute donc la paix à ceux qui veulent abréger leur vie de cette douce, coûteuse et monotone manière. (Enfin, douce au début.) Ce n'est pas notre problème.
L’homme souffre sans raison. Son spleen est biologique, hormonal, physiologique, cérébral, chimique. Il est cocasse de voir l’homme, trois fois détrôné, faire preuve d’un ultime orgueil et refuser d’admettre cette si simple vérité pour chercher à justifier sa mélancolie chronique par de grandes raisons métaphysiques, sonnantes et trébuchantes, comme un enfant qui, ayant oublié pourquoi il pleure, se cherche de grands et naïfs prétextes pour ne pas avoir l’air ridicule et éventuellement décrocher un petit câlin.
Le refus du happy end est une démagogie inversée.
Aujourd'hui en effet, c'est non seulement le bonheur qui est politiquement incorrect, mais aussi le happy end.
Mais franchement, quel mal y a-t-il à s'accorder ce petit plaisir ? Un curieux raisonnement masochiste, lié à une mauvaise conscience généralisée, nous en empêche pourtant.
Le point de vue sur cette question dépend peut-être aussi de l'interprétation que l'on en fait : certes, si le happy end signifie que le monde est heureux, que la vie elle-même se termine bien, alors il est certainement douteux. Mais on peut aussi le voir comme un simple petit plaisir, qu'on s'accorde en art, justement par contraste avec le monde, et qui signifie un optimisme, une insouciance, bref l'envie de se moquer un peu du mal, qui est d'ailleurs si lourdaud.
(Suite du post précédent.)
...Ce que je veux dire, c'est que finalement, dans l'art comme dans la vie, le malheur (la souffrance, la tristesse) est peut-être une solution de facilité.
Il est plus facile d'émouvoir et de plaire par la représentation du malheur que par la représentation du bonheur. Les artistes inventent davantage de tourments psychologiques scabreux que de plaisirs inédits (je pense surtout aux conteurs romanciers et cinéastes).
De même il est plus facile d'être malheureux que d'être heureux, de se plaindre que de se satisfaire. Le bonheur demande plus d'imagination que le malheur. Notre esprit nous torture plus volontiers qu'il ne nous réjouit
D'autre part, et surtout, l'homme malheureux est dans une position morale plus facile que l'homme heureux. Car il est à plaindre, le monde est comme endetté envers lui, alors que pour l'homme heureux c'est l'inverse, c'est lui qui est endetté envers le monde... Je crois que Dieu (c'est-à-dire la nature) a décidément un statut économique particulier (cf. ce post sur la valeur de la nature), et qu'il faut parfois savoir refuser de payer !
Quand quelqu'un se trompe, et que vous essayez de le détromper, bien souvent il n'y aura rien à faire et il persistera mordicus dans son erreur, avec une conviction farouche.
En revanche, s'il est dans le vrai il sera beaucoup plus facile de lui faire changer d'avis.
Comment ne pas voir dans ce petit fait une preuve de l'existence du diable ? De fait, l'existence du diable est bien plus facile à prouver que celle de Dieu.
On pourrait d'ailleurs très facilement retourner l'éthique de Spinoza comme un gant (et avec elle toute la philosophie chrétienne) et dire : seul le mal existe, le bien n'est rien de positif, il n'est qu'un néant. Dieu n'est que l'ombre du diable, son absence, son sommeil momentané. Regardez les hommes : il n'y a que de l'égoïsme et de l'avidité, la volonté d'écraser et dominer les autres pour en tirer un plaisir personnel. Ce qu'on appelle le bien est la simple absence du mal ou le néant qui résulte de l'annulation de plusieurs égoïsmes...
Je tiens à souligner deux points qu'on oublie trop souvent :
« L'homme préfère encore vouloir le néant plutôt que ne rien vouloir », disait Nietzsche. C'est ainsi qu'il expliquait le nihilisme, ce paradoxe de la vie qui se nie elle-même (ce que Freud appellera la pulsion de mort) : par la force de la volonté. Plutôt la volonté de mort que la mort de la volonté.
Traduisons : cela veut dire que l'homme essaie d'abord de faire le bien, certes ; mais s'il n'y arrive pas, il préfèrera encore nuire plutôt que de ne rien faire.
Ceci permet de comprendre l'existence des emmerdeurs (à l'encontre du principe grec selon lequel « nul n'est méchant volontairement »).