Le brin d'herbe

Blog philosophique et politique

Manger, plaisir de la résurrection
Jeudi 6 mai 2010

Pourquoi est-il si agréable de manger ?

En étudiant la philosophie j'ai appris qu'on pouvait répondre des tas de choses folles à ce genre de questions banales. En voici un exemple d'une telle investigation interprétatrice.

Pourquoi manger est si bon ? Voyons. Que se passe-t-il quand on mange ? D'abord, on tue. C'est violent. Oui, tout ce qu'on mange est vivant. Dans le meilleur des cas, c'est une partie conçue par la plante pour être mangée (exemple unique à ma connaissance : le fruit) donc on ne tue pas vraiment, mais quand même. Donc manger, c'est le plaisir de tuer (pulsion de mort).

Manger

Mais manger n'est pas seulement détruire (l'aliment), c'est aussi construire (notre corps). Donc manger est le plaisir de vivre (pulsion de vie). Finalement, voici : en mangeant se produit ce miracle : on en tue un pour en faire vivre un autre. La matière de l'un nourrit l'autre. Elle entre sous un autre rapport, elle revit dans un autre être. Finalement, manger est une résurrection. Le plaisir de manger est donc le plaisir de la résurrection.

Je ne sais pas si c'est ce qu'ont voulu symboliser les Pères de l'Eglise avec cette histoire d'ostie, métaphore du corps du Christ qu'on avale, brr, ça fait un peu cannibale. Peut-être.

Mots-clés :  manger   résurrection   plaisir   interprétation   christianisme   vie   mort   
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Puissance du stoïcisme
Mercredi 15 avril 2009

Quand on a les yeux fixés sur une étoile, quand on a une conviction ou une idée qui nous guide, on se sent indestructible, prêt à affronter le monde entier.

On pourrait analyser ce sentiment grisant de multiples manières, et notamment sous l'angle de la schizophrénie : dans ce cas on n'est pas soi-même, on est « transcendé » pour ainsi dire. (Mot sympathique, qui évoque la transe.)

Mais je crois que ce qui est au cœur de cette joie vigoureuse, c'est le stoïcisme. Ce qui nous rend si forts, c'est l'idée stoïcienne de nous concentrer sur notre action, de n'accorder de prix qu'à ce qui dépend de nous, ou plus exactement de mépriser tous les maux qui ne dépendent pas de nous (car les bienfaits qui nous tombent du ciel, autant savoir les recevoir ;)).

Je peux bien mourir englouti par les flots noirs ! Du moment que je tiens bon la barre !

Pourquoi cette idée stoïcienne, d'ailleurs quelque peu narcissique, est-elle si puissante ? Je crois que c'est au fond parce qu'elle donne un objet à notre passion, notamment à notre colère. C'est-à-dire que le stoïcisme repose au fond sur le même ressort psychologique que le christianisme : l'introjection de la cruauté. On sait ce que Nietzsche pensait de cette mauvaise conscience. Et pourtant il faut voir aussi la beau côté de cette sublimation : en donnant un objet à notre passion, celle-ci ne reste pas à pourrir en nous. Or on sait ce qu'il faut penser des désirs qui moisissent :

Sooner murder an infant in its cradle than nurse unacted desires.

Et aussi :

Expect poison from the standing water.

De plus, ainsi libérée, cette passion, certes triste, donne lieu à une action, en l'occurrence une modification de nous-mêmes. C'est peut-être là la source de la profonde satisfaction que l'on ressent parfois, suite à un cuisant échec, lorsque l'on en impute toute la responsabilité à soi-même... De sorte que finalement, l'introjection stoïcienne et chrétienne a cette double vertu, de nous satisfaire psychologiquement et de produire les meilleurs effets possibles pragmatiquement.

Pour être tout à fait clair, ajoutons cette précision spinozienne : une fois que la leçon est tirée, inutile de cultiver le remords, et accueillons plutôt la neige de l'oubli, qui est d'ailleurs si jolie !

Mots-clés :  stoïcisme   éthique   christianisme   religion   psychologie   introjection   
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Ce qu'il reste du christianisme
Dimanche 18 janvier 2009

Que reste-t-il du christianisme ? Selon le philosophe hédoniste et athée Michel Onfray, beaucoup de choses. En particulier cette valorisation morbide de la souffrance, conçue comme une expiation. L'école serait l'un des lieux où apparaît cette conception de la souffrance, avec l'idée implicite que l'école doit être pénible. Alors que le savoir est et devrait être une chose si légère, si gaie, si folâtre !

Ce que je remarque quant à moi, c'est que cette conception de la souffrance alimente peut-être aussi l'hostilité au libéralisme. Car le libéralisme est l'idée d'un « jeu à somme positive », pour reprendre l'expression des sociologues, c'est-à-dire l'idée d'un bénéfice pur par l'échange. D'ailleurs l'idée que les vices privés (les intérêts égoïstes) puissent faire les vertus publiques est déjà, à elle seule, profondément anti-chrétienne. « Dieu ne permettrait pas une telle magie ! Tout se paie, il ne fait pas de cadeaux ! »

Eh si. La Nature, du haut de son amoralité, peut se permettre cela. La tâche actuelle est de sortir de la vieille morale et de sa mauvaise conscience poisseuse pour nous rendre enfin capables de recevoir ces cadeaux.

Mots-clés :  religion   christianisme   souffrance   
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