Le brin d'herbe

Blog philosophique et politique

Le travail et le sens
Samedi 11 juin 2011

Spontanément, je n'aime pas beaucoup le travail. Mais je dois lui reconnaître cet avantage : la notion de travail donne sens à la vie.

Par la notion de travail, j'entends l'idée qu'on n'est pas, au début, encore soi, l'idée qu'on doit devenir ce que l'on est, se réaliser. L'idée que tu dois devenir ce que tu es, que tu « restes à faire »...

On le voit, ce n'est que de manière accidentelle que le « travail » au sens courant permettra d'accomplir ce développement de soi, ordinairement il en est plutôt le plus féroce obstacle !

Mots-clés :  travail   sens   épanouissement   
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La beauté du temps
Lundi 31 mai 2010

Le temps est beau. Sa beauté se montre dans les vieux objets, les pierres millénaires, les rides des vieillards, les lierres des murs et les lichens des forêts. C'est ce que les japonais appellent le sabi (beauté de l'ancien).

sculpture de la cathédrale saint-pierre

Mais c'est encore le temps, je crois, qui fait en partie la beauté des ouvrages d'artisanat finement et longuement ciselés et travaillés : les fines sculptures en pierre des cathédrales, par exemple, qui ressemblent à de la dentelle. Ici la beauté réside dans l'importante quantité de travail contenue par la chose, c'est-à-dire dans le temps qu'elle cristallise. On s'en rend compte quand on voit le même objet, parfois dans un matériau également noble, mais réalisé par des procédés industriels, à la chaîne. Certes, l'idée que l'objet n'est pas unique contribue alors à notre dépit. Mais je crois que la rapidité de sa production y est aussi pour quelque chose. On pourrait encore dire que ce plaisir esthétique est celui de la domination : l'objet longuement travaillé est comme imprégné de la sueur d'hommes, et celui qui possède l'objet possède ce travail, il est symboliquement leur maître.

Je trouve ce critère intéressant pour juger de la valeur de l'écriture. La littérature, je crois, nous plaît souvent parce qu'elle est riche et travaillée, exactement comme une sculpture ciselée dans le marbre. A contrario, la prose journalistique est déplaisante car pauvre et toujours écrite à la va-vite (je dois malheureusement inclure ce blog dans cette triste catégorie !).

Il y a ici une tension entre ce principe, en accord avec l'idée de Nietzsche du génie comme grand travailleur, et le fait que l'effort lui-même disparaît de l'œuvre d'art. Il faut donc du temps, mais aussi de la maestria. Sinon, ça devient laborieux. Ça sent l'huile, comme on dit.

Mots-clés :  esthétique   temps   beauté   travail   
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Objectif : détruire des emplois
Dimanche 19 juillet 2009

Toute l'histoire humaine est commandée par le progrès scientifique et technique.

La conséquence économique de ce progrès est une augmentation de l'efficacité du travail : on peut produire les mêmes richesses avec moins de travail humain et de ressources naturelles (énergie et matières premières). La destruction de travail est donc un objectif à la fois humaniste et écologique.

Ainsi, il faut se réjouir de toute destruction d’emplois : remplacement de tisserands par des métiers à tisser, d’ouvriers par des machines, de paysans par des tracteurs, de postiers, avions, trains et voitures par des e-mails, de fonctionnaires par des ordinateurs, de caissières par des caisses automatiques, d'encyclopédies papier coûteuses par des encyclopédies en ligne gratuites, etc.

Tous les boulots doivent disparaître, à commencer par les boulots de merde. Car, n'en déplaise aux fines oreilles, il y a des boulots de merde. Que les belles âmes égalitaires qui s'inquiètent déjà d'une stigmatisation du lumpen-prolétariat se rassurent : les métiers d'en haut sont bien aussi merdiques, que ceux d'en bas – quand ils ne le sont pas davantage.

Et si, demain, une nouvelle invention venait détruire un pan entier de l'économie, il faudrait s'en réjouir. C'est d'ailleurs en grande partie ce qui se passe avec internet, où on assiste à la réalisation de l'idée fondamentale du marxisme : le progrès technique entraîne un gain de productivité tel qu'une activité autrefois contrainte par le système économique bascule dans le bénévolat et la gratuité.

On dira que c'est une catastrophe ; que des milliers d'emplois seront détruits ; que des gens se retrouveront au chômage ; etc. A cela il faut répondre plusieurs choses.

D'abord, du point de vue strictement économique, le bilan de toute destruction d'emploi est nul : car ce que les hommes ne gagnent plus en tant que salaires, ils ne le paient plus en tant que consommateurs. En revanche le bilan humain est très positif, puisqu'on obtient, collectivement, les même richesses avec moins de labeur.

Ensuite, on pourrait ajouter que le chômage n'est pas si grave, surtout dans des pays où il est indemnisé comme en France. Mais l'essentiel est ailleurs : l'essentiel, c'est qu'il faut que la destruction du travail aille de pair avec le partage du travail restant.

On peut tout de même se poser la petite question suivante : vaut-il mieux maintenir des emplois peu utiles ou les supprimer carrément ? En les maintenant, on verse des salaires, qui contribuent à la consommation. Mais en les supprimant, on réalise des économies (d'autant plus que les emplois dont on discute ici ne peuvent être que des emplois publics). Par conséquent, l'argent économisé ainsi peut alléger les charges pesant sur le travail véritablement utile et stimuler celui-ci.

Ainsi, on pourrait proposer la stratégie suivante, qui a le mesure d'être très claire et concrète : supprimer radicalemement tous les emplois inutiles, réaliser des économies aussi rigoureuses que possibles dans tous les domaines, en licenciant un maximum de personnes ; et investir l'argent ainsi économisé dans des travaux utiles, qui ne manquent pas, notamment à l'époque où on prend enfin conscience de la terrible menace que l'homme fait peser sur l'équilibre de la planète. En particulier, un investissement massif dans les énergies renouvelables et la recherche qui leur est liée est urgent.

Bref, l'emploi inutile est un gaspillage absolu, sans aucune contrepartie positive. Il est donc indéfendable.

Ainsi les émeutes populaires contre le progrès technologique, avec destruction de métiers à tisser et exécution de l’inventeur, constituent le degré zéro de l’intelligence économique et de la conscience historique.

Il ne faut pas s'opposer au formidable mouvement historique du progrès, mais au contraire l'encourager, et s'attaquer au seul problème qu'il pose : la concentration du travail, ou plus exactement du pouvoir et des richesses, dans quelques mains.

Tel est le défi qui se présente à nous : parvenir à un juste partage du travail, du pouvoir et des richesses.

Mots-clés :  économie   travail   emploi   liberté   
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Le stylo et le balai
Samedi 28 mars 2009

Je viens de nettoyer ma piaule. :D

J'avais toute une pile de copies à corriger. :°)

Mais j'ai préféré passer le balai. ;)

Ce phénomène, qui peut sembler anecdotique au premier abord, mérite qu'on s'y arrête. Qu'est-ce que ça veut dire ? Comment peut-on préférer cette tâche vulgairement utilitaire, passer un coup de balai, au noble exercice de la pensée ? Comment peut-on préférer racler la crasse sous un lit plutôt que débusquer les erreurs de raisonnement dans une réflexion philosophique ?

Et pourtant c'est ainsi, passer le balai était un enchantement. Parce que l'activité du corps est en elle-même agréable, et laisse l'esprit libre de vagabonder à ce qui lui plaît. Les intellectuels, avec leur hauteur habituelle, voient les métiers manuels comme une aliénation. Cette idée remonte à Platon, qui opposait le corps et l'esprit et considérait que toute activité corporelle avilissait notre âme. La philosophie consistant au contraire à « apprendre à mourir », c'est-à-dire à s'efforcer de séparer l'âme de ce corps dont les sensations nous trompent et dont les désirs nous écartent de la justice.

Eh bien, en vérité il y a peut-être bien plus d'aliénation et de misère dans le métier de l'intellectuel ! Car celui qui est astreint à une activité intellectuelle n'est pas libre, ni de corps (il est cloué à sa chaise), ni d'esprit. Alors que la ménagère s'active et ses pensées voltigent où bon leur semble, comme une nuée de papillons folâtres. Il y a des rapports insoupçonnés entre le ménage et le yoga...

Mots-clés :  aliénation   travail   liberté   
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