Le brin d'herbe

Blog philosophique et politique

La laideur artistique
Dimanche 18 juillet 2010

On entend souvent cette question :

« Comment écrire après Auschwitz ? »

Voici le raisonnement :

Quand l'homme se massacre méthodiquement, la recherche de la beauté est déplacée. Si la civilisation occidentale mène au chaos des guerres mondiales, elle doit être radicalement remise en question jusque dans son art : ainsi naquit Dada.

Et aujourd'hui encore, nombre d'œuvres sans beauté s'expliquent par ce raisonnement. Puisque la beauté est politiquement incorrecte, on fait souffrir le public, ça donne bonne conscience. Une bonne partie de l'art contemporain est la forme actuelle qu'a prise la très classique, quoique toujours élitiste, autoflagellation : pratique magique, symbolique, consistant à s'infliger une souffrance pour expier un acte qu'on se reproche et se donner ainsi bonne conscience.

Papperlapapp
Papperlapapp, de Christoph Marthaler et Anna Viebrock, 2010

Il y a une objection importante à tout ce cheminement de pensée, qui pourra être utile aux amants de la beauté frustrés par notre époque. La question était : « Comment écrire après Auschwitz ? » Mais ! Comme s'il avait fallu attendre Auschwitz pour découvrir que l'homme est ignoble ! On le savait déjà, et depuis une éternité. Cela n'a jamais empêché de rechercher la beauté, au contraire : elle était une sorte de remède. La seule nouveauté d'Auschwitz est technologique. Elle est dans le caractère massif et méthodique de l'ignominie. L'âme de l'homme, elle, n'a pas bougé d'un iota. L'Allemand du XXe siècle n'est pas plus mauvais que le Français du XXIe et en ce sens nous sommes tous nazis, nous le sommes depuis toujours.

A cette première analyse on peut ajouter cette autre : que change, au juste, une œuvre douloureuse à l'abjection humaine ? Elle ne fait qu'ajouter la laideur esthétique à la bassesse morale, l'horrible à l'ignoble. C'est là une manière de se donner bonne conscience à peu de frais. C'est aussi le signe d'une trouillarde incapacité à assumer le bonheur. La moraline chrétienne est toujours à l'œuvre, et le bonheur est politiquement incorrect.

Fort de ce raisonnement, on pourrait croire avoir balayé toutes les raisons qui sous-tendent la vacuité de l'art contemporain.

Mais malheureusement il y en a bien d'autres :

Bref, la mauvaise conscience est peut-être le principal prétexte de la laideur artistique, mais elle n'en est pas la seule cause. Cette laideur a donc encore de beaux jours devant elle.

Mots-clés :  laid   art   histoire   
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