Le brin d'herbe

Blog philosophique et politique

Le pardon et le mépris
Mercredi 18 février 2009

Je viens de revoir Dogville, le film de Lars Von Trier, et mon impression initiale s'est confirmée : ce film est magistral. Un véritable chef-d'œuvre. L'un des meilleurs films que je connaisse. Je vous le recommande chaudement !

[Tom et Grace]

La grande qualité de ce film, selon moi, réside dans sa richesse, malgré l'extrême économie de moyens (ce qui confirme la loi selon laquelle la qualité d'un film est inversement proportionnelle à son budget) : les images sont belles ; la narration est équilibrée, pleine de suspense et de surprises, et le scénario comporte des inventions dignes des meilleures pièces de Molière ou de Shakespeare ; les personnages ont une profondeur psychologique qui font éclater la terrible vérité de l'être humain ; enfin l'ensemble est profondément touchant. Bref, tout y est : le Beau, le Vrai, le Bon...

La question morale est au centre du film. Un personnage (dont je ne peux vous révéler l'identité sans briser le suspense ! :)=) expose l'idée suivante : dans le pardon il y a de l'arrogance. Etre moins exigeant envers les autres qu'envers soi-même, c'est se considérer supérieur à eux. Pardonner à un homme en raison des « circonstances », de sa nature, etc., c'est au fond le mépriser, car c'est lui dénier sa responsabilité, donc sa dignité et son humanité... Il y a par exemple cette phrase, que j'ai retenue à la volée, au cœur d'un dialogue très riche :

On ne pourrait rien apprendre aux chiens si on leur pardonnait à chaque fois qu'ils obéissent à leur instinct.

Bref : le comportement des hommes est toujours compréhensible, mais pas toujours excusable.

Ces idées font penser à Hegel, qui considérait que la peine de mort était la seule manière de respecter les criminels : en les excusant (en raison de leur milieu, des influences, de leurs passions, etc.), on leur dénie leur responsabilité. En les punissant
on considère au contraire qu'ils sont, comme dirait Sartre, parfaitement et absolument responsables d'eux-mêmes...

Le film est aussi une réponse à Spinoza, car selon le même personnage, même si le mal est une faiblesse cela ne suffit pas pour en excuser les hommes : ils ont le devoir d'être forts, voilà tout.

Je crois que ce qui se joue ici est aussi une profonde opposition entre la gauche et la droite : la droite (américaine comme française) adopte le point de vue de la morale, et exige, à ce titre, une ferme condamnation des hommes. La gauche, au contraire, adopte une approche sociologique du délit, elle l'envisage comme un phénomène naturel quoique social, ce qui pousse à chercher un traitement technique du problème et conduit également à amoindrir les peines.

La solution à ce débat ne me semble guère évidente... Je me contenterai pour l'instant de le poser !

Mais surtout, surtout : allez voir ce film !

Mots-clés :  éthique   pardon   mépris   cinéma   
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