Voici aujourd'hui une pure réflexion d'histoire de la philosophie.
Le coup de génie de Spinoza a été de concevoir le monde comme conatus, c'est-à-dire comme désir, effort, processus, mouvement et tension vers un but.
Les conséquences de ce point sont capitales : cela permet de concevoir le monde comme « tout bon » malgré l'indéniable existence du « mal » et de l'imperfection.
Certes, il y a du mal, nous dit Spinoza, mais le monde tend vers le mieux, donc ce mal n'est qu'une faiblesse, une absence, un creux.
L'image d'un monde éternel, figé comme une pierre, ne permet pas d'opérer une telle distinction et de réunir ainsi deux choses apparemment contradictoires. Le temps est l'opérateur dialectique par excellence. Source de la contradiction, il en est aussi la solution.
Il y a d'ailleurs, plus généralement, dans les spiritualités et les religions messianiques (comme la religion juive, dont Spinoza s'inspire), cette habile conciliation de l'idée religieuse que « tout est bon » avec la constatation empirique du mal. Le futur donne la solution. Ou, dans le cas de Spinoza, un peu plus subtilement, l'équivalent ontologique de ce futur, car la tension vers le mieux est déjà contenue dans le présent lui-même.