Le brin d'herbe

Blog philosophique et politique

Caillou
Dimanche 21 juin 2009

Une grande énigme en philosophie est de savoir pourquoi le monde est intelligible.

C'est cette question qui a mené à l'idéalisme, au spiritualisme, au dualisme, aux philosophies de Platon, Descartes, Spinoza, Kant, Hegel, etc. Toutes ces philosophies étaient fortement influencées par le modèle des mathématiques : les mathématiques, science mystérieuse qui semble révéler une profonde concordance entre le monde spirituel et le monde matériel.

Mais au XIXe siècle une crise intellectuelle majeure est venue bouleverser la donne : la crise des mathématiques. Dans un premier temps, on découvrit l'existence de géométries non euclidiennes. Premier choc. D'autres mondes sont concevables. Qu'est-ce qui prouve alors que notre géométrie classique, la géométrie euclidienne, est la bonne, la vraie ? Dans un deuxième temps, la théorie de la relativité postule justement que la géométrie de notre univers n'est pas euclidienne. Crise majeure : toutes les mathématiques classiques sont fausses, au sens où elles ne correspondent pas au monde, à notre monde.

Conséquences philosophiques : tout cela a ébranlé l'idée qu'il y ait des « jugements synthétiques a priori » (Kant), c'est-à-dire des connaissances innées, des « semences de vérité » mises en nous par Dieu (Descartes) et connues de notre âme par une mystérieuse « réminiscence » (Platon). On aboutit au schéma suivant : on a d'un côté la logique, seule connaissance a priori mais absolument creuse, les lois logiques consistant simplement à reformuler ce que l'on sait déjà : la logique ne nous apprend rien sur le monde. Et de l'autre côté, les sciences naturelles qui reposent sur l'expérience. De sorte que toute véritable connaissance provient de l'expérience. Le cas des mathématiques lui-même devient particulièrement clair : par la logique, on peut construire plusieurs systèmes formels (par exemple plusieurs géométries) ; c'est ensuite l'expérience qui nous permet de savoir lequel de ces systèmes correspond au monde (et ce n'était qu'un préjugé physiologique que de croire a priori que la géométrie euclidienne était « la vraie »).

Tirons les conclusions de cette révolution jusqu'au bout : si la question de savoir par quelle magie le monde est intelligible est résolue, c'est parce qu'on se rend finalement compte de ceci :

Le monde n'est pas intelligible.

C'était une illusion de croire qu'il l'était. Rien dans le monde n'est compréhensible à proprement parler. Un caillou, d'ailleurs, n'est pas « compréhensible ». On peut seulement le décrire.

[Magritte]

N.B. : Pour faire bonne mesure, j'essaierai de démontrer une prochaine fois que l'homme ne pense pas.

Mots-clés :  épistémologie   métaphore   totalité   métaphysique   vérité   
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