Et si la victoire contemporaine de la démocratie était due à la victoire progressive du positivisme sur l'idéalisme ?
Car l'idéalisme (platonicien, à l'origine) est intrinsèquement aristocratique. Peut-être même Platon n'a-t-il inventé l'idéalisme que pour priver le peuple du pouvoir (d'exécuter Socrate). Les Idées ne sont pas accessibles à tout le monde. Le peuple, lui, loin de ces abstractions brumeuses, ne croit que ce qu'il voit et ne jure que par l'expérience. Face aux ratiocinations abstraites des philosophes, il ricane en se demandant ce que toutes ces idées farfelues changent à sa vie réelle. Et si la réponse est « rien du tout », alors le positiviste en conclut que l'idée ne signifie rien du tout. D'ailleurs le positivisme et le pragmatisme sont des philosophies quasi américaines.
On aurait là les bases d'une histoire anti-marxiste. La démocratie ne l'aurait pas emporté parce qu'elle est plus forte que l'aristocratie, mais parce qu'elle a eu, au fond, l'Esprit pour elle. La victoire du peuple sur l'élite serait spirituelle avant d'être matérielle.
Certes, cette idée est un peu farfelue. Mais il faut reconnaître que l'épistémè contemporaine (notre conception de la connaissance, centrée sur le paradigme de la science) est profondément populaire et démocrate du seul fait de son positivisme.