Le brin d'herbe

Blog philosophique et politique

Le difficile concept d'aliénation
Lundi 4 mai 2009

Le concept d'aliénation est très problématique.

On dit que l'homme est influencé par ses amis, par la publicité, par les médias ; qu'il ne pense pas et n'agit pas, mais qu'il est pensé et agi ; bref, qu'il est aliéné, c'est-à-dire privé de sa liberté de penser, sournoisement influencé : il ne fait pas ce qu'il « veut vraiment », il est détourné de « lui-même ».

Tous les jours je lave mon cerveau avec la télé

Le problème, c'est que tout cela suppose qu'il y a quelque chose que nous « voulons vraiment », qu'il y a un « soi-même », que nous avons tous une identité propre à laquelle nous pourrions être conformes ou non.

Et si l'homme était un ordinateur sans programme, un oignon sans noyau, une série sans raison ? Ou encore un char bancal, allant de-ci de-là, au gré des chaos du chemin, sans direction propre autre que celle donnée par la contingence des rencontres ? Nous voyons une fraction de courbe, et nous supposons que c'est une portion de cercle, et que ce cercle a un centre quelque part ; mais s'il n'y avait pas de centre, et si la courbe n'était pas même circulaire, mais difforme, indéterminée ?

On pourrait ajouter qu'il est vain de vouloir échapper aux aliénations, et que dans le meilleur des cas on ne peut qu'espérer apprendre à « gérer » les aliénations, à se mouvoir parmi elles, à jouer une influence contre l'autre, à choisir nos amis et nos trahisons. Tirer sur les différentes ficelles plutôt que les couper, un peu comme le stoïcien nous invite à prendre conscience des contraintes pour agir en fonction d'elles plutôt qu'à les affronter vainement.

Mais il y a peut-être une voie pour donner un sens à l'idée d'aliénation. Il suffirait de définir notre « vraie volonté » comme ce que nous voudrions si nous savions tout, si nous étions parfaitement lucides sur nous-mêmes et sur le monde. Il n'y a aliénation, ou drogue, que si celui qui se drogue n'est pas véritablement conscient de ses actes et de leurs conséquences. Dans le cas contraire, tout va bien, et il n'y a rien à redire.

La seule éthique est dans la connaissance. On ne peut rien reprocher, d'un certain point de vue éthique, à un homme qui agit en connaissance de cause. Il n'y a pas de mal, il n'y a que de l'erreur.

Et enfin la mystérieuse identité de chacun est un idéal que nous pouvons construire et imaginer par cette hypothèse de l'omniscience.

Ces remarques éclairent aussi la fameuse maxime grecque : « Connais-toi toi-même. » C'est la maxime éthique suprême d'un peuple pour qui « nul n'est méchant volontairemt ».

Mots-clés :  aliénation   soi   identité   interprétation   connaissance de soi   
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