S'il y a une question qui nous embrouille, c'est bien celle de l'égoïsme.
« Tout est égoïste, dit-on. Il n'y a pas d'acte désintéressé. Même dans l'acte le plus altruiste on cherche à se donner bonne conscience, etc. » Bon. Deux remarques préliminaires :
Mais le plus intéressant dans cette idée que « tout est intéressé » est qu'elle nous permet de comprendre qu'au sens psychique fondamental, « il n’y a ni actions égoïstes, ni actions altruistes : ces deux notions sont un contresens psychologique » (Nietzsche, Ecce Homo, III, 5). Et Nietzsche ajoute : ces deux notions sont des mythes, car le concept d'ego lui-même est un mythe et une fiction. Au fond toutes nos actions sont impersonnelles, car nos valeurs fondamentales et notre Moi lui-même ne sont pas toujours au service du Moi. Au mieux, on peut dire que certaines de nos actions on pour effet de nous profiter ou de nous nuire. Mais au niveau psychologique le concept d'égoïsme n'a tout simplement aucun sens. De sorte que la morale kantienne est construite sur une fiction, et que sa véritable nature apparaît au grand jour : ce que Kant (et la morale commune avec lui) valorise par le concept d'« acte désintéressé », c'est au fond l'effort, la souffrance, la violence que l'on se fait à soi-même.