Le brin d'herbe

Blog philosophique et politique

Le déterminisme
Jeudi 12 février 2009

Le déterminisme est une hypothèse stupéfiante.

D'abord, parce qu'elle est vraie. Ou du moins nous devons la tenir pour vraie : tous les arguments sont pour elle, aucun n'est contre.

Ensuite, il faut bien comprendre ce qu'elle dit : que rien n'est possible, sauf une seule chose, un seul futur. Le concept de possibilité est une illusion. Le monde se dresse d'un bloc, passé, présent et futur, comme une pierre que le faisceau de l'instant parcourt du regard.

Concrètement : je crois pouvoir faire ceci ou cela, mais c'est faux, je ne « peux » faire qu'une seule chose. Et pourtant... Nous sentons et nous expérimentons que nous sommes « libres ». C'est bien là l'aspect le plus stupéfiant. Comment la vie et l'action sont-elles possibles si le concept de possibilité n'est qu'une illusion ? C'est pourtant sur cette base que nous agissons chaque jour.

Qu'est-ce qui est possible ? Ce qui n'est pas impossible. Une possibilité est l'envers d'une contrainte. Je peux aller là – il n'y a pas de mur. Or le concept d'impossibilité, lui, est parfaitement légitime. Il y a bien de l'impossible. Le concept de possibilité n'est donc pas tout à fait faux : en réalité il désigne une incertitude. Est « possible » ce que nous ne savons pas être impossible. C'est-à-dire que le « possible » contient au moins la possibilité.

Mais il y a mieux encore : c'est qu'en vérité ce qui me semble possible est effectivement possible, mais uniquement pour moi. Il y a là un profond paradoxe, car il y a circularité. Mon cerveau étant impliqué dans le phénomène, il y a bien du possible pour lui. Car de son point de vue, il doit être effacé lui-même : une machine ne peut s'intégrer elle-même dans son propre calcul. Je ne peux pas être une donnée du problème que je me pose. Je ne peux pas être une variable indépendante car je suis une variable dépendante. Ce qui est une manière un peu précise de dire que l'œil ne fait pas partie du champ visuel.

Je suis bien libre, mais uniquement de mon point de vue. Uniquement au moment où je pense, car c'est cette pensée qui va déterminer mon action, donc le futur. Pour un autre, je ne suis pas libre. La liberté existe du point de vue d'un homme ou de toute machine agissante. En revanche la liberté n'existe pas du « point de vue de nulle part », qui est le point de vue habituel du langage scientifique. On pourrait parler, pour désigner cette liberté bien particulière, d'un indéterminisme subjectif. Il y a là un concept fonctionnel, pour machines pensantes, tout à fait rigoureux il me semble.

Pour le dire encore une fois, d'une manière peut-être encore plus claire : il est rationnel d'utiliser ce concept de liberté en tant qu'être humain. Il est rationnel de penser que ce que nous ne savons pas être impossible est possible. C'est de ce paradoxe que je voulais rendre compte : bien que le monde soit déterminé il est néanmoins rationnel de faire comme s'il ne l'était pas.

Il est donc à la fois vrai que tout est déterminé, et que je suis libre de déplacer ma main à gauche ou à droite. Le monde est déterminé mais je suis « libre » car je suis une partie du monde.

Mots-clés :  déterminisme   liberté   
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