Notre admiration pour les héros est un phénomène étonnant.
On aime d'abord le héros comme on aime la vertu qu'il incarne : par égoïsme. En effet, rien ne m'est plus utile qu'un homme « bon ». Paradoxe : l'altruisme tire sa valeur de l'égoïsme !
Voilà pour l'admiration. Mais il est plus difficile d'expliquer pourquoi on veut ressembler au héros. En effet, si on y réfléchit deux minutes, il n'est peut-être pas si agréable d'être le héros du dernier film américain : on risque de crever à chaque minute. A voir, ça va, mais à être, c'est une toute autre affaire.
Première explication : peut-être veut-on être un héros pour faire l'objet de l'admiration, précédemment évoquée, qu'il suscite. On sait bien que la vertu procède de l'amour des éloges (Hobbes, Léviathan, I, 11).
Mais il y a une autre raison : le mousquetaire prêt à risquer sa vie pour l'honneur nous stupéfie aussi par sa capacité à mettre ses valeurs tellement au-dessus de sa vie. Il y a là une sorte de magie, de supériorité miraculeuse. Il semble mépriser la mort. Quelle chance ! Quelle force ! Et c'est peut-être aussi pour cela que nous désirons lui ressembler.
Nous sommes épatés par le héros, car il a un « air de miracle », comme disait Nietzsche. Il semble défier les lois naturelles, en particulier la loi de l'égoïsme universel.
C'est encore cette admiration que Kant appelle le pur respect de la loi morale, c'est-à-dire le respect ressenti pour celui qui réprime ses penchants égoïstes au nom du seul devoir.
Enfin on trouve encore cette idée chez Jésus, qui rejette la loi du talion en expliquant que la bonté consiste à faire davantage que ce qui est seulement « normal » :
D'ailleurs le cinéaste Lars Von Trier verra dans cette manière de se placer au-dessus des lois une forme d'arrogance. En particulier, être plus exigeant envers soi-même qu'envers autrui, n'est-ce pas se considérer supérieur à lui ? Mais c'est une autre histoire... Si cela vous intéresse, regardez le film Dogville !
Et puis il faut admettre que la femme sauvée est sacrément bien gaulée!