S'il y a une idée à la mode sur laquelle je n'ai pas fini de taper , c'est bien celle-ci :
« Chacun son point de vue. Chacun son avis. Chacun sa vérité. »
Et aussi, plus subtil mais pire encore :
« De toute façon même les philosophes ne sont d'accord sur rien. »
Alors remettons les pendules à l'heure.
Primo, la vérité ne dépend pas de chacun, elle est unique et s'impose à tous (désolé pour les démocrates.) Le théorème de Pythagore n'est pas vrai pour les Grecs et faux pour les Turcs. Il n'est pas non plus faux pour un fou, c'est juste que le fou ne le comprend pas. Si le ciel est bleu, il l'est pour tout le monde. Sinon c'est qu'il n'est pas bleu, et que la couleur dépend de chaque sujet. De même, toute question admet une réponse et une seule ; sinon c'est qu'elle est mal posée. Que nous ne connaissions pas la réponse à une question ne change rien au fait que cette réponse existe et est unique. Ainsi, la conjecture de Fermat (il n'y a pas de nombres entiers non nuls x, y, z tels que xn + yn = zn pour n supérieur à 2) était vraie avant qu'elle ne soit démontrée (en 1994), et la conjecture des nombres premiers jumeaux (il existe une infinité de nombres premiers p tels que p + 2 soit aussi premier) est déjà vraie ou fausse, bien qu'elle ne soit pas encore démontrée.
Et j'irai même encore plus loin : même si on démontre un jour qu'une proposition est indécidable (c'est-à-dire qu'on ne peut démontrer ni sa vérité, ni sa fausseté), comme le prévoient les théorèmes d'incomplétude de Gödel, elle n'en restera pas moins vraie ou fausse.
Deuxio, venons-en maintenant aux « divergences entre les philosophes ». Il serait peut-être temps de battre en brèche ce vieux lieu commun, trop souvent admis, et qui ne repose sur rien. Certes, il y a différentes philosophies, et surtout différentes valeurs. Mais y a-t-il des désaccords théoriques durables ? Il faut parfois le temps (quelques siècles) que la réflexion progresse. Mais je tiens à souligner deux choses :
Et c'est là le point décisif : les philosophes sont, en tout cas, d'accord sur ce point : la vérité existe, et elle est unique. Même les sceptiques et les relativistes les plus extrêmes admettent ceci, à un jeu de langage près. Pourquoi cela ? Pour au moins deux raisons fondamentales :
« A chacun son avis », dites-vous ? Mais alors c'est, et ne peut être, que votre avis, et disant cela vous renoncez d'avance à m'en convaincre. Ce qui tombe bien !