L'économie est une science fascinante.
C'est un monde très complexe où tout est ambivalent, tout se mord la queue, et tout s'inverse selon l'angle de vue.
Pourquoi ? Parce que ce qui pénalise les uns favorise les autres. De sorte qu'une mesure économique n'agit pas directement sur des volumes globaux, elle affecte d'abord les répartitions.
Prenons un exemple : la baisse des salaires.
Les deux analyses sont fausses, parce que les deux effets s'annulent exactement : en cas de baisse des salaires, les prix baissent mais les revenus aussi. Ce que les individus gagnent en tant que consommateurs, ils le perdent en tant que salariés. Donc ça ne change rien, l'effet est neutre.
Ou plutôt il le serait si la situation était homogène (si tout le monde était salarié, si la baisse des salaires était uniforme, si toutes les entreprises répercutaient la baisse des salaires sur tous les prix de tous les biens de façon homogène). En réalité la situation est très hétérogène, et une baisse des salaires, si elle ne change rien globalement (au sens où, globalement, les revenus de la population sont exactement compensés par une baisse des prix rigoureusement équivalente), elle modifie les répartitions. En l'occurrence, une baisse du SMIC diminuerait plutôt les faibles salaires, donc l'effet global serait une augmentation des inégalités, donc une baisse de la consommation et de l'emploi.
En effet, une société consomme d'autant plus qu'elle est égalitaire, puisque les pauvres consomment plus que les riches (en proportion). Mais ici encore, cette relation causale est ambivalente, car on peut aussi trouver un effet inverse : les inégalités économiques stimulent l'entreprise et l'innovation (personne n'entreprendrait quelque chose de risqué si ça ne permettait pas de gagner plus d'argent que les autres, donc qu'en ne faisant rien). Mais ici, différence fondamentale, les deux effets ne se compensent pas du tout exactement et mathématiquement. Il faut donc mesurer chacun d'eux et arbitrer.
On peut assez facilement estimer le gain de consommation engendré par la redistribution en comparant les taux d'épargne des différents quantiles de la population (classée par niveau de revenu) :
Taux d'épargne selon la richesse (deux estimations), INSEE
Pour estimer la force de stimulation des inégalités économiques, c'est plus difficile !
Sérieusement, peut-être qu'il vous arrive d'avoir l'impression que vous parlez dans le vide. C'est faux; on reste juste un peu bouche bée.